THE ENEMY
Making Of

Par Fabien Barati – Partie 2/7

The Enemy est bien plus que ce que je décris ici. Son histoire commence avant mon arrivée et n’est pas encore terminée. De nombreuses personnes y ont participé, apportant leur savoir-faire ; souvent en investissant du temps où de l’argent, parfois même en risquant leur vie. Le sujet mérite donc d’être largement étayé par ses acteurs pour couvrir l’intégralité de cet incroyable projet.

Les prémisses

Karim et moi sur les routes du Congo (©Karim Ben Khelifa)

J’ai rencontré Karim pour la première fois dans nos bureaux chez Emissive début 2014. Avec Chloé Jarry, productrice du projet chez Camera Lucida, ils m’exposèrent leur vision de ce qui allait devenir The Enemy : une rencontre virtuelle avec des combattants issus de conflits générationnels.

Karim, correspondant de guerre, venait de découvrir la puissance de la réalité virtuelle avec le prototype de l’Oculus Rift. Il lui semblait que c’était le medium parfait pour faire passer le message des combattants au public. Sa vision allait plus loin : il fallait pouvoir se déplacer pour aller à leur rencontre et, dans un souci d’exploitation, il était nécessaire d’accueillir plusieurs utilisateurs en même temps. En d’autres termes, il fallait poser un casque VR (Virtual Reality) sur la tête des participants et qu’ils soient capables de marcher dans un grand espace a plusieurs, sans se rentrer dedans.

Chez Emissive, nous faisions déjà de la réalité virtuelle depuis de nombreuses années et nous avions l’habitude de relever des défis technologiques. Ce que Karim et Chloé me décrivaient, il n’y en avait pas d’équivalent dans le monde et ce n’était tout simplement pas possible avec le matériel existant à l’époque. Toutefois, j’avais en tête une possible solution qui tirerait partie de différentes technologies présentes et à venir.

J’ai donc affirmé que nous étions capables de réaliser le projet. Ce fut pour moi le début d’une superbe aventure humaine et technologique !

L’Oculus DK1 venait de sortir en 2014

Réalité virtuelle

Immersion et interactivité

The Enemy tire pleinement partie de ce nouveau medium/media qu’est la réalité virtuelle. Cette technologie se définit par une immersion dans un environnement virtuel et la possibilité d’y interagir.

L’immersion est créée par une vision stéréoscopique à 360° du monde virtuel et une ambiance sonore spatialisé calculées en temps réel, selon les mouvements des utilisateurs. Côté interactivité, il est possible de se déplacer librement dans l’environnement virtuel dans lequel on est immergé et d’agir sur différents éléments. J’ajoute qu’en réalité virtuelle on est « captif », coupé du monde réel qu’on ne voit et n’entend plus.

Ces attributs créent le sentiment de présence, c’est-à-dire l’impression d’être réellement dans un autre monde, qu’il soit réaliste ou non. Devant les combattants de The Enemy on a l’illusion d’être face à de vraies personnes, en partie grâce à ce sentiment de présence. C’est en cela que la réalité virtuelle se démarque des médias traditionnels comme la télévision ou la presse écrite : on est beaucoup plus attentifs et surtout impliqués. Dans The Enemy, les participants passent 50 minutes à écouter des interviews, sans perte de concentration.

Attention, je parle bien ici de réalité virtuelle et pas de vidéo 360. La vidéo 360 qui peut aussi se diffuser dans un casque VR ne permet ni d’interagir, ni d’obtenir la stéréoscopie nécessaire à une bonne immersion. On voit encore trop souvent un amalgame de ces deux médias sous le nom « VR ».

Les visiteurs sont immergés dans un environnement virtuel dans lequel ils peuvent évoluer librement

Calcul en temps réel

Techniquement et comme écrit plus haut, la réalité virtuelle implique de calculer les images que voient l’utilisateur et les sons qu’il entend en temps réel. Il faut prendre en compte chaque mouvement, chaque action, et retranscrire cela dans le casque VR en quelques millisecondes : si je marche sur un mètre devant moi je dois me voir avancer d’un mètre dans le monde virtuel, parfaitement en même temps. Ceci est vrai pour l’infinité de mouvement, petits ou grands que les participants peuvent faire.

Dans le casque VR on visualise 90 images par seconde qui sont donc calculées en direct par un ordinateur. Il en faut un pour chaque participant. C’est pour cela que, dans The Enemy, on est équipé d’un sac à dos (en fait un ordinateur puissant) sur lequel le casque VR est connecté.

Il existe maintenant des casques dits « autonomes » qui intègrent la puissance de calcul : on n’a plus besoin de sac à dos. Ils ne sont toutefois pas encore suffisamment puissants pour faire tourner des expériences aussi qualitatives que The Enemy.

Les visiteurs sont équipés de sac à dos – PC et de casques VR

Captation sur zones de guerre

Dans The Enemy, on rencontre de vraies personnes, des combattants de conflits réels qui ont une histoire à nous raconter. Nous pouvons nous déplacer librement, jusqu’à nous approcher d’eux à quelques centimètres ou en faire le tour. Cette liberté implique nécessairement de recréer ces personnes en volume, en 3D.

Pour la réalisation des combattants virtuels nous devions partir de sources capturées sur le terrain, les zones de guerre. Trois conflits sont traités dans The Enemy : le conflit Israelo-Palestinien, les suites de la guerre civile rwandaise au Congo et les gangs du Salvador.

Ces circonstances exceptionnelles nous empêchaient d’utiliser certains systèmes de capture trop encombrants ou trop intrusifs : motion capture avec marqueurs, studio de photogrammétrie, vidéogrammetrie, etc…

Nous devions voyager léger et être capable d’installer et démonter notre matériel très rapidement.

Notre capacité à réaliser des combattants virtuels réalistes avec ces contraintes était d’ailleurs un des critères d’intégration d’Emissive dans le projet.

J’ai donc exposé à l’équipe de production ce dont nous aurions besoin : beaucoup de photos, des vidéos sous plusieurs angles avec un fond neutre et une prise de son. J’avais aussi dans l’idée d’utiliser un système de scan 3D portable ainsi qu’un logiciel de capture de mouvement non intrusif.

Ceci déterminait à la fois le matériel à emmener et la constitution de l’équipe à envoyer sur place :

  • Karim Ben Khelifa qui réaliserait les interviews
  • Jean-Gabriel Leynaud, chef opérateur et réalisateur pour la captation des combattants
  • Selim Harbi, photographe et assistant technique
  • Et moi-même pour la captation des gestes, le scan 3D, et pour valider la qualité des sources

Préparatifs

Avant de partir nous réalisâmes une session de test complète dans nos bureaux, chez Emissive. Elle servit à la fois à valider le matériel, la rapidité d’installation du studio, les méthodes de captation et la qualité du résultat. Après deux jours de tests, la méthode mise en place nous semblait concluante.

Tests de captation dans les bureaux d’Emissive. Ici avec Karim, Jean-Noël et Thibault Bernard.

Les combattants à interviewer étaient déterminés par Karim, aidé par des fixeurs sur place. Les lieux où nous allions effectuer les interviews ainsi que toute la logistique des voyages étaient pris en charge de main de maître par Silvia Alba, chez Camera Lucida.

Nous sommes donc partis avec 4 appareils photo capables de réaliser des vidéos à haute fréquence, de quoi réaliser un sol et un fond blanc, des micros et des lumières. J’avais aussi avec moi deux Microsoft Kinects et un ordinateur.

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